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Joe's blog
8 novembre 2008

Tristesse !

Les mots encore une fois ne vont pas traduire l'admiration que j'ai pour cette amie qui vient de partir. Une militante d'exception qui a guidé mes premiers pas en politique. Il me semble si récent le temps où à Saint Jean de Monts elle dansait avec son compagnon Alain ! Sa maladie peut être, sans doute déjà là mais on ne le savait pas. Elle est partie sans bruit mais sa perte fait un fracas terrible.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Francine_Comte  180px_Francine_S_C3_A9geste

J’étais encore une enfant, ou une vieillarde, qui sait ? Peut-être plus grande qu’on ne pensait. Joignant dans mes mains dociles, comme pour une prière sans dieu, l’origine et le terme de ma vie. Depuis longtemps, ma voix s’était tarie dans ma gorge, elle n’était plus qu’un filet sans force, et d’ailleurs à qui aurais-je parlé ? Les cris qu’autrefois j’entendais fuser de partout étaient pour toujours étouffés. Toutes portes closes, les rues désertes à jamais plongées dans la nuit formaient des enfilades sans but. Corridors pour ouragans. J’oscillais dans le vent qui s’y engouffrait, mais j’avançais. Petite, si petite. Seule une peur noire m’accompagnait, plus vigilante que des chiens loups.

    Soudain, de gigantesques colonnes sont apparues sur ma droite, l’une après l’autre. Elles devaient être là depuis toujours. Regardant leur sommet, je vis qu’elles supportaient des torses de pierre. Mais des pierres vivantes, de redoutables Titans aux pouvoirs éternels. Le malheur du monde venait de là. Quelqu’un s’approcha de moi pour me dire que je devais les affronter. Il revenait à chaque mortel de mener ce combat, et ce devait être mon tour.

    Je me suis élevée dans les ténèbres à hauteur du premier colosse, mue par une force inconnue, et j’ai planté sur lui mon regard. Est alors monté du fond de mes entrailles un chant terrible, tout à la fois hululements et modulations fantastiques. Un cri de guerre, époumonant, qui n’en finissait plus. Rugissement, surgissement venu de très loin, venu du fond des âges. Ce chant d’une violence extrême fusait de moi comme d’un volcan, dévorant toute mon énergie, c’était une suite infinie d’abîmes et de cimes, de vocalises gutturales, qui jaillissaient, se fracassaient puis rejaillissaient.

Je n’y étais pour rien, c’était une condensation subite des cris de tous les continents. De tous les assassins, de tous les massacrés. Cette fureur, qui me détruisait moi-même, extermina le monstre. Je me taisais maintenant, exténuée de fatigue.

    Cette première victoire ne suffisait pas. Il me fallut recommencer l’affrontement un très grand nombre de fois, face aux géants alignés. Le chant reprenait son œuvre, sauvage, impitoyable, de plus en plus violent, et finalement vainqueur. Toute l’intensité de ma vie s’y déployait. Toutes mes forces s’y consumaient.

    Au terme de combats innombrables, quand je croyais en avoir fini, on vint me requérir. Il y avait encore d’autres piliers à abattre. Mais je ne pouvais plus. Je n’en peux plus. Ma vie d’un coup s’est consumée.

    Il arrive que la voix manque.


Francine Ségeste

Elégie par son compagnon :    http://lipietz.net/spip.php?article2280


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Commentaires
V
Je ne connaissais pas cette dame (je veux dire, de nom). Mais votre lien qui mène à wikipédia m'a permis de cliquer sur d'autres lien. En quelques clics j'ai pu savoir.<br /> <br /> Je suis désolée que vous ayez perdu une amie. C'est un bel hommage que vous lui faites. <br /> <br /> Une pensée à son compagnon.
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