Domination masculine
“L’homme le plus opprimé peut opprimer un autre être humain qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire lui-même” (Flora Tristan)
La domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous ne l’apercevons plus, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. Plus que jamais, il est indispensable de dissoudre les évidences et d’explorer les structures symboliques de l’inconscient androcentrique qui survit chez les hommes et chez les femmes. Quels sont les mécanismes et les institutions qui accomplissent le travail de reproduction de « l’éternel masculin » ? Est-il possible de les neutraliser pour libérer les forces de changement qu’ils parviennent à entraver ? (Pierre Bourdieu)
« Le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées » (Claude Lévi-Strauss)
Parmi toutes les observations faites par nos ancêtres, il en est une particulièrement inexplicable, injuste, exorbitante : les femmes font leurs semblables, des filles comme elles, les hommes, non. Ils ont besoin des femmes pour faire leurs fils. Mais cette capacité de produire du différent, des corps masculins, s’est retournée contre les femmes. Elles sont devenues une ressource nécessaire à se partager. Les hommes doivent socialement se les approprier sur la longue durée pour avoir des fils. En outre, des systèmes de pensée expliquent le mystère de la procréation en plaçant le germe exclusivement dans la semence masculine. La naissance de filles est un échec du masculin, provisoire mais nécessaire. Dans cette double appropriation, en esprit et en corps, naît la hiérarchie. Elle s’inscrit déjà dans les catégories binaires qui caractérisent les deux sexes, car elles s’accompagnent nécessairement de dénigrement, de dépossession de la liberté et de confinement dans la fonction reproductive. (Françoise Héritier)
Lorsque j'ai commencé mes études, dans les années 50, il existait une licence d'histoire et géographie pour les filles, et deux licences séparées, d'histoire et de géographie pour les garçons. La raison invoquée de cette discrimination était que les filles n'avaient pas la capacité de s'adonner exclusivement à la géographie... La géographie, qui passe aujourd'hui pour une science sociale, donc « molle », semblait trop exigeante sur le plan technique... (Françoise Héritier)